Visions fugitives by William Boyd

Visions fugitives by William Boyd

Auteur:William Boyd [Boyd, William]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2020495201
Éditeur: Seuil


Fantaisie sur une valse aimée

Clara Billroth tendit le bébé à Frau Schäfer et l’enfant, content, se blottit contre la vieille femme, ses cris réduits à des gazouillis et des reniflements.

« Dis au revoir à ta maman », l’encouragea en vain Frau Schäfer, comme elle le faisait chaque soir, en prenant le poignet du nourrisson entre le pouce et l’index pour imposer un simili d’au revoir aux minuscules petits doigts. « Dis “au revoir, Maman”. Allons, dis-le, Ulrich.

— Je vous en prie, ne l’appelez pas Ulrich, se plaignit Clara. Je n’aime pas ce nom.

— Il faut bien que vous lui donniez un nom, répliqua Frau Schäfer, vexée, cet enfant va bientôt avoir quatre mois. Ce n’est pas convenable. Ce n’est pas chrétien.

— Oh, d’accord, j’essaierai d’en trouver un », dit Clara avant de tourner les talons et de s’emmitoufler dans son châle.

Elle s’engouffra dans l’escalier et sentit le vent froid venir à sa rencontre par la porte de l’immeuble. Avril, songea-t-elle, on pourrait aussi bien être encore en hiver.

Elle descendit d’un pas vif la Jägerstrasse en direction de St. Pauli, un peu en retard, ses chaussures trop étroites l’obligeant à ralentir l’allure, à s’appuyer davantage sur le pied droit que sur le gauche. Le gauche lui faisait mal. Anneliese prétendait que les pieds n’ayant jamais exactement la même taille, il faudrait avoir une chaussure différente pour chacun. Anneliese et ses absurdités… Dans quel monde serait-ce possible ? Quelle fortune faudrait-il posséder pour avoir une chaussure différente…

Elle aperçut le garçon appuyé contre le réverbère à gaz : il le tenait à deux mains, comme accroché à un mât sur le pont d’un bateau à la gîte dans la tempête. En approchant, elle le vit presser sa tête sur le métal perlé d’humidité. Le vent soufflait du port, plein de menaces de pluie et, dans la nuit tombante, les réverbères portaient leurs halos brumeux à la manière de couronnes chatoyantes. Le garçon avait dans les quatorze ou quinze ans, et de longs cheveux blond-roux qui lui entraient dans le col. Les yeux fermés, il semblait se parler silencieusement à lui-même.

« Hé, lança Clara, vigilante, ça va ? »

Il ouvrit les yeux et se tourna vers elle. C’était un adolescent robuste avec de beaux traits, des yeux bleus, les cheveux crantés dégageant le front.

« Merci », dit-il en clignant des paupières aux cils pâles. Il avait un fort accent de Hambourg. « La migraine, ajouta-t-il. Vous ne pouvez pas imaginer les maux de crâne que j’ai. Mais ça ira. Il me faut simplement attendre que ça passe. C’est aimable à vous de vous arrêter mais ça va aller. »

Clara le fixa, les yeux plissés : il avait le regard voilé par l’effort qu’il faisait pour parler. Elle-même avait aussi parfois souffert de migraines, surtout après la mort de la petite Katherina, et au cours de sa grossesse quand elle attendait le petit garçon, quel que soit le nom qu’elle lui donnerait, le petit « Ulrich ».

« Très bien, alors, mais faites attention que les policiers ne vous voient pas.



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